Parenting in Jesus' Footsteps


Emission de Radio France Internationale au Sujet de Châtiment Corporel aux Ecoles

23 Septembre 2003

Aujourd’hui, sur RFI...RFI, la radio du monde.

L’Ecole des Savoirs

Emmanuelle Bastide: Bonjour, et bienvenue à l’Ecole des Savoirs. L’école, bien souvent, n’est pas conforme à nos rêves, et la classe est encore trop souvent le théatre d’affrontement entre le maître et l’élève. En France, c’est vrai que vous parlez fréquemment de la violence fait aux professeurs par les élèves, mais aujourd’hui nous nous intéressons au contraire: au châtiment corporel à l’école. “De l’histoire ancienne!” me direz-vous – pas si sûre – dans de nombreux pays il y a encore des débats sur la question. Dans cette "école de la réaction," nous voyagerons aux Etats-Unis, au Liban, au Bénin, et tout de suite, premier témoignage, en Grande Bretagne, dans un établissement où l’on peut soupçonner que les punitions corporelles n’aient pas disparu totalement – en dépit de la lois anglaise, qui interdit depuis 1998, y compris dans les établissements privés, tout châtiments physiques. C’est une enquête de Morgane du Liège.

Morgane: Ann Pendray, vous êtes professeur de français à Christian Fellowship School qui est un établissement privé protestant de Liverpool. Selon vous, pourquoi est-il nécessaire d’appliquer les châtiments corporels aux élèves?

Ann: Tout d’abord, je pense que c’est une question de...obéissance à...à...Dieu. Je pense que c’est dans la bible. C’est une tradition de judaïsme aussi bien que le christianisme. Il faut châtier les enfants avec...corporellement.

Morgane: Qu’est-ce que ça leur apprend aux enfants?

Ann: Si un élève...ment, ou si un élève brutalise un autre enfant, il leur enseigne qu’il y a des conséquences à leur comportement. Qu’il y a des limites, oui...et, dans notre collège, ils savent bien les limites.

Morgane: Et quels sont les types de punition?

Ann: Pour les petits, on pourrait peut-être taper la main, ou sur la jambe avec la main...et pour les plus grands, on utilisait une baguette. C’est une...une règle très large.

Morgane: Et vous-même, il vous est arrivé de punir des élèves?

Ann: Non, pas moi-même. C’est le directeur du collège.

Morgane: C’est le directeur – Mssr. Phil Williamson?

Ann: Oui, oui, c’est ça.

Morgane: C’est lui qui s’occupe de punir...les élèves.

Ann: Oui, les garçons. C’est rarement qu’on punit les filles...les grandes.

Morgane: En ce qui concerne les parents?

Ann: Oui, mais les parents doivent...c’est un collège privé alors. Les parents signent, sur papier, qu’ils sont d’accord avec ça.

Morgane: Ils signent un accord écrit en début d’année scolaire?

Ann: Oui, c’est ça, oui.

Morgane: Et comment réagissent les parents à l’interdiction, maintenant, d’utiliser les punitions corporelles dans les établissements scolaires?

Ann: Alors, il y a des parents comme moi, parce que moi, je suis parent aussi bien que professeur, s’il y a des parents comme moi qui voudraient bien que...qu’on pourrait utiliser la correction corporelle.

Morgane: Ann Pendray, selon vous, quel sont les conséquences de cette interdiction, qui existe depuis 1998?

Ann: Moi, je pense que...oui, je pense que les enfants sont plus méchants maintenant. Je pense qu’il y a autres corrections possible, mais quand on utilisait la discipline corporelle, il y avait aussi la repentance.

Morgane: La repentance?

Ann: Oui. Et aussi on essayait toujours de rétablir de bon rapport avec les élèves, après la punition. On peut isoler les enfants ou on peut le faire beaucoup de devoirs...ou...

Morgane: ...leur donner des heures de colles?

Ann: Quelque chose comme ça, mais...je pense que ce n’est pas la punition juste, alors, les limites sont assez fluides, parce que, quand on utilisait la punition corporelle c’était toujours quelque chose...un enfant a, tu sais, a quelque chose d’immoral, alors il faut établir les limites de moralité, n’est-ce pas.

Emmanuelle: C’était Ann Pendray, professeur de français à la Christian Fellowship School à Liverpool – établissement privé protestant. Elle était interrogé par Morgane du Liège. Rappellons que les sanctions physiques sont interdites en Grande Bretagne dans les établissements scolaires depuis 1986 pour les écoles publiques, et depuis 1998, seulement, pour les établissements privés. Il faut dire que, les anglais ne se sont jamais vraiment montrés très opposé a ce genre de pratique – la Christian Fellowship School avec 40 autres écoles privés ont pris donc position contre cette loi en continuant leur système de punition sans vraiment le dire, et ils sont confortés par la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui a reconnu en 1999 leur droit à châtier les enfants pourvu que les parents signassent un accord écrit. Pour le moment, ces écoles sont poursuivi par la cour de justice anglaise, et l’affaire doit être porter devant la Cour des Lords en octobre prochain.

En Afrique, le débat est très vif également. Voici la vie de Mathurin Assogba, il est béninoit, il est le fondateur et le directeur d’un petit collège privé, le Collège de Pyramides, dans les faubourgs desCotonou, et, il répond à une demande croissante des parents, c’est à dire le retour aux “vraies valeurs,” comme ils disent, allusion à une école publique qui est jugée un petit peu déliquescente.

Mathurin: Je dois d’abord, un petit peu...la législation scolaire interdit le châtiment corporel. Sinon, il existait depuis longtemps, mais un autre arrêté a encore reprécisé l’interdiction des châtiments corporels. Bon, le châtiment corporel, c’est pratiquement un fait de société, et l’éducation, en Afrique repose de plus en plus...bon, a toujours consisté à donner quelques fessées aux enfants et ça se retrouve également dans le compartiment du système éducatif. Bon, quelques coups de bâtons aux mains, quelques fessées, ça se limite à ça. C’est au niveau des récidivistes qui s’entêtent, bon, qu’on finit par recourir à ce moyen de répression.

Morgane: Dans quel cas, par exemple, vous utilisez ce type de châtiment?

Mathurin: Bon...un élève qui arrive à donner des coups de poing à son camarade en classe, alors que c’est interdit, ce qui peut entraîner des dommages corporels...donc, là, on essaye de lui faire comprendre qu’il vient d’outre passer une des__________________du règlement intérieur qui, interdit ces formes de violence. Il arrive même des moments où les parents d’élèves, depuis la maison, parce que l’enfant a commit une faute, on l’ammène à lécole et on exige que l’établissement lui inflige des châtiments corporels. Bon, là, on essaye quand même de contenir la colère du parent, et de ne pas aller dans le sens que...il veut, mais ils ne sont pas souvents contents. Des parents d’élèves demandent à ce que l’établissement...s’occupe de ce volée en donnant la priorité. On dit qu’on viendra déposée des lanières à notre niveau pour tel enfant, bon, on essaye d’éviter ça, de refuser de tomber dans ce jeu là mais il arrive, des moments où, bon, une fois en passant, si ce n’est que pour intimider, si ce n’est que pour rappeler les votres à l’ordre, bon, on le fait.

Morgane: Mais, est-ce que ce n’est pas répondre à la violence par la violence, Mathurin Assogba?

Mathurin: Bon, ce n’est pas passer l’enfant à tabac, et lui donner des coups de façon exagéré – non – ils font du...du...de petite claque, si vous permettez l’expression. Sinon, le châtiment corporel au début on a fait beaucoup plus une épée de Damoclès, surtout qu’eux ne sont pas couvert par la législation, donc nous devons faire très attention dans l’utilisation de ce moyen de répression.

Morgane: Qui est chargé d’appliquer les chatiments corporels? Vous, est-il arrivé vous d’avoir à donner une petite claque à un enfant?

Mathurin: Oui, bon, de temps...de temps on temps on en donne. Et nous recommandons que ces châtiments corporels soient administrés par les membres de l’administration, moins pas les professeurs. Parce que nous avons des enfants, qui traînent des maladies, bon, le rhumatisme, la drépanocitose et pourquoi pas l’épilépsie, alors si des professeurs en classe se mettent à infliger las châtiments corporels, cela peut nous créer d’énormes ennuis, donc on demande aux professeurs de nous envoyer les enfants, au niveau de l’administration et si c’est nécessaire, disons, d’intervenir à ce niveau, on essaye de voir.

Emmanuelle: Au Liban, les coups pleuvent aussi dans le bureau du directeur, un reportage de Cécile Evrard à Saïda, au sud de Beyrouth, dans une école pour refugieés Palestiniens, où le monde de la violence ne s’arrête pas à la porte de l’école, et les enseignants, en faite, sont tout à fait démunis pour y répondre autrement. Nous sommes à lécole “Le Rocher.”

Cécile: Il fait beaucoup de problèmes. Il s’est pas fait taper dessus...il a eu de la chance parce qu’on est là. Qu’est-ce qui c’est passé avec l’élève?

Maîtresse: Il crie dans la rue...et ça dérange beaucoup de monde là-bas...c’est pour cela...c’est un élève trés très très agité, vraiment. Il dérange la classe, toute la classe, les camarades, je, on sait pas. On sait pas qu’est-ce qu’il faut faire, ce qu’il faut faire avec cet élève. Le directeur, toujours, il lui tape. Qu’est-ce qu’il faut faire avec lui cette fois? C’est mon élève en classe de 5e année, donc, vraiment il est très très très agité.

Cécile: Est-ce que tu penses que lui taper sur les doigts c’est une bonne solution?

Maîtresse: Moi, non, je ne peux pas, peut-être il va me taper...c’est pour cela...je ne peux pas lui taper, c’est vrai, vraiment, parce que il peut arriver à me taper, c’est pour cela, vraiment.

Cécile: Tu le ferais, autrement, tu le ferais?

Maïtresse: Non, non (rire), vraiment non (rire).

Sandrine Vuillet (à part): On essaye de mettre en place un enseignement un peu moins traditionel et surtout moins autoritaire. Il n’est pas rare, je ne vais pas généraliser, mais enfin il n’est quand même pas rare dans les écoles d’avoir des professeurs qui tapent les enfants. Donc, nos enseignants de français on leur demande de pas taper les enfants, ça a été un petit peu difficile à mettre en place au départ, puisque les enseignants nous disaient, mais, même les élèves nous demandent, comme punition, pour eux c’est tout à fait normal d’être taper.

Emmanuelle: Vous venez d’entendre Sandrine Vuillet, conseillère pédagogique aux Nations Unis sur la question des réfugiers Palestiniens.

Les sanctions musclées dans l’éducation n’épargnent aucun type de culture. Aux Etats-Unis, pourtant, des pédagogies les plus modernes, et bien, on s’aperçoit que la discussion est encore incroyablement animée sur le sujet. Morgane du Liège a contacté Sue Lawrence, une femme qui milite pour l’abolition des punitions physiques aux Etats-Unis.

Sue: Il a y 22 états aux Etats-Unis, pour la plupart au sud, où les élèves sont frappés avec des planches en bois. Ces planches sont 50cm par 9cm, épaisseur 2cm à peu près. Les professeurs frappent les élèves, agées de 5 ou 6 ans parfois, avec ces planches, aux fesses, quand les élèves sont tardifs, quands ils parlent trop, etc. 340,000 élèves sont frappés comme ça chaque année aux Etats-Unis. Le président, Mr. Bush, veut protéger les professeurs qui frappent leurs élèves contre les procès, par le Teacher Protection Act – ça veut dire Acte de Protéger les Professeurs.

Morgane: Pour vous, que représente les châtiments corporels à l’école?

Sue: C’est dégueulasse. C’est la violence contre les enfants. Il y a de l’ignorance, et nos présidents n’en font rien. Il existe aussi des chrétiens, les fondamentalistes, qui croient qu’il faut frapper leurs enfants, à cause de plusieurs verses dans la bible. Les familles fondamentalistes sont très punitifs. Ils fessent beaucoup. C’est un gros problème.

Morgane: Quel est votre action à vous, Sue Lawrence, pour combattre ces châtiments corporels dans les établissements scolaires?

Sue: Oui, j’ai un site qui s’appelle “Parenting in Jesus’ Footsteps”--élèver nos enfants aux pas de Jésus. J’ai fait ce site après avoir vue une publicité dans une revue chrétienne. Cette publicité était d’un fouet. Il s’appelle “The Rod” ou “La Verge.” C’est fabriqué de nylon, 56cm de long. C’est pour le “châtiment des enfants,” citant un verse de Proverbes de la bible. J’étais complètement bouleversée--j’ai découvert qu’un couple en Oklahoma fabriquent ces fouets, ces instruments de torture. On les fabrique, on les vend, et on les utilise à leur église. A mon site je concentre au problème des Chrétiens qui croient qu’il faut être dur vers leurs enfants. J’ai des articles, une liste de livres recommandés, et une pétition contre le chàtiment corporel qu’on peut signer. Surtout je souligne l’importance, pour Chrétiens, de suivre l’exemple et les enseignements de Jésus. La pitié, le pardon, l’humilité, et la non-violence. Enseigner nos enfants – ne les plus frapper. Les enfants sont des cadeaux de Dieu--pas des malédictions.

Emmanuelle: Pour votre information, si vous souhaitez consulter le site de Sue Lawrence contre la violence physique dans l’enseignement, je vous donne l’adresse—www.parentinginjesusfootsteps.org, d’autres adresses également aux Etats-Unis sur les sites internet où le débat fait rage. Vous pouvez nous écrire à RFI pour plus de détails. Je vais vous donner notre adresse de la maison à la fin de l’émission.

Pour votre information, si le premier pays au monde à avoir interdit les punitions physiques dans les écoles, eh bien, c’est la Suède, en 1979. Mais la France, elle aussi, a interdit depuis longtemps tout châtiments physiques dans ces établissements scolaires publiques, comme privés bien sûr. Le cheminement fut long, plusieurs siècles, mais tout à fait passionant, quand l’histoire des idées croise celle de l’éducation. Erick Prairat, enseignant chercheur à Nancy II, au micro de Morgane du Liège:

Erick: On peut repérer quatre grands moments. Le premier moment, c’est la critique des humanistes à la renaissance au 16ème siècle, donc, avec Montaigne, Rabelais, et bien sûr, Erasme et les humanistes, vont dénoncer l’abus, l’usage systématique des coups dans le...le travail éducatif, vont y repérer une sorte d’effet contre-productif, c’est à dire qu’à trop frapper, on forme des brûtes et non des êtres apaisés et courtois. Donc, contrairement à ce qu’on a pu penser, les humanistes n’ont pas plaidé pour l’abolition des châtiments corporels, mais pour plus de douceur et de modération dans le rapport éducatif. Le second moment, c’est Rousseau et plus largement les “Lumières,” dans la seconde moitié du 18ème siècle, et ce qu’on appeler l’inversion de l’image de l’enfant, où l’enfant n’est plus perçut comme un petit être tordu, pervers, vicieux qu’il faut...redresser, mais devient une promesse, un...un être qui est riche d’une humanité à venir et donc il s’agit moins de le dresser que, au contraire de l’aider, de l’accompagner, de le guider dans...dans la voie de l’hominisation. Et le troisième moment, c’est 1850, 1880, c’est la critique des médecins hygiénistes qui vont adresser une critique médico-morale aux punitions corporelles, c’est à dire que non seulement les châtiments corporels avilient, humilient, mais en plus peuvent blesser et handicaper durablement donc les châtiments corporels représentent à la fois un danger moral et physique. Et puis, le dernier moment, c’est l’avènement des pédagogies nouvelles à la fin de la premiére guerre mondiale dans les années 1920, contester le recours à la contrainte, revisiter la question de l’exercice de l’autorité, du rôle du maître, de la place de l’effort et en appeler à plus de participation de créativité, de libre initiative des enfants et donc là, c’est une critique non seulement des châtiments corporels mais plus largement, de l’usage de la sanction dans le travail éducatif. Voilà, en gros, les quatres grands moments qui scandent l’histoire des châtiments corporels.

Morgane: Erick Prairat, quand on parle de châtiment corporel, est-ce qu’on fait pas aussi référence à une certaine perte de la maîtrise de soi?

Eric: Oui, mais, mais pas uniquement je dirais. On peut trouver des cas d’adultes qui ont recours à la violence corporelle tout simplement parce qu’ils ne savent pas résoudre le conflit autrement que par la violence. Et généralement ce sont les adultes qui portent en eux-mêmes une histoire d’enfants battus. On pourrait également trouver d’autres cas qui seraient alors le contraire même d’un manque de maîtrise de soi, mais des punisseurs qui exigent les châtiments corporels, en un véritable système, et qui punissent très froidement et de manière méthodique. Si vous voulez, cette relation du frappeur et du frappé est très complexe. C’est à dire qu’à la fois il y a quelque chose qui est de l’ordre de la domination physique, quelque chose qui est de l’ordre de l’humiliation morale, mais il peut aussi avoir des éléments d’érotisation dans cette rélation. Et on pense ici au confession que pouvait faire Rousseau, lorsqu’il nous rapporte que étant fessé par Mlle Lambercier il se surprend dans une érection. Donc, c’est une relation extrémement complexe qui ne s’explique pas, à mon sens, uniquement par le manque de maîtrise de soi.

Emmanuelle: C’était Erick Prairat, professeur de science de l’éducation à l’Université Nancy II, et qui publit un “Que sais-je?” aux presses Universitaires de France, “La Sanction en Education,” un petit fascicule peu coûteux comme tous les livres de la collection “Que sais-je?,” à se procurer absolument si vous êtes enseignant.

Si vous n’avez pas eu le temps de noter ou si vous souhaitez réagir à cette émission, notre adresse électronique: ecole@rfi.fr

Morgane du Liége, Delphine Desianos, Jean-Marc Munier, c’est la signature de cette emission. Et demain, on se retrouve pour revenir sur le grand débat de l’éducation nationale en France avec Claude Tello, le Président de la Commission Nationale du grand débat sur l’avenir de l’école. N’oubliez pas le rendez-vous 9h40, temps universel 11h40 à Paris. Au revoir et à demain.



Transcription par Susan Lawrence et Peggy Quéant



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